Wednesday, January 24, 2007

Prof. M. Bianchi della Porta Master communication et médias

janvier 2007

Droit des médias:

La loi sur le droit d'auteur appliquée aux images photographiques

Travail rédigé par

Jan-Mathieu Donnier
jan@donnier.com

Introduction:

Le travail ici présenté vise à éclaircir certains points de droits relatifs au droit d'auteur et à la propriété des images photographiques. Notre cas d'étude traitera d'une entreprise photographique à vocation éminemment commerciale à laquelle des clients commandent des reportages photographiques.

Nous baserons les propos tenus sur l'actuelle loi sur les droits d'auteurs (LDA). Nous essaierons de présenter une synthèse de celle-ci au travers de six questions portant sur le thème de la photographie. Pour chacune nous identifierons les dispositions légales affairantes, puis nous les isolerons pour en définir la portée concrète dans le cadre de la question spécifique.

Notons que la loi sur les droits d'auteurs est sur le point d'être révisée. Cette révision vise à adapter la LDA actuelle, datant de 1993, en l'actualisant avec les dernières avancées techniques. Nous baserons cependant notre étude sur la loi actuellement en vigueur.

Précisons enfin que cette étude vaut pour les droits d'auteur dans les limites du territoire suisse, sans égard à la législation européenne ou aux traités internationaux en vigueur.


1/ les photographies sont-elles des oeuvres d'art au sens de la loi sur les droits d'auteurs (LDA)?
La loi sur les droits d'auteurs (LDA) du 9 octobre 1992 a pour but de définir la notion d'auteur, d'établir la protection des oeuvres littéraires et artistiques, et de prévenir une utilisation non-désirée par leur auteur.

Dans la question qui nous occupe, il convient tout d'abord de définir le champ d'application de la loi et l'exacte définition des termes utilisés. C'est ce que la LDA effectue en son article 2, s'exprimant en ces termes: "Par oeuvre, quelle qu'en soit la valeur ou la destination, on entend toute création de l'esprit, littéraire ou artistique, qui a un caractère individuel". Cet alinéa énonce donc de manière non-limitative les critères applicables à tout objet ou production bénéficiant de la protection dûe pour ce qui est qualifié d'oeuvre.

On apprend ainsi que ce doit être une création de l'esprit, c'est à dire une production originale présentant des traits caractéristiques qui la distinguent de toute autre.

L'alinéa g de l'article 2 stipule que "les oeuvres photographiques, cinématographiques et les autres oeuvres visuelles ou audiovisuelles" sont également considérées comme des créations de l'esprit et sont, à ce titre, protégées au sens de la loi sur les droits d'auteurs.

L'entreprise photographique pour laquelle cette étude est préparée pourra donc faire appliquer les dispositions de la LDA à ses clichés, par le fait qu'elle peut légalement qualifier ceux-ci d'oeuvres.

Précisons encore que la loi ne prévoit à aucun moment une obligation de faire enregistrer les oeuvres et que celles-ci sont donc réputées avoir droit à un tel statut dès leur création. Nul démarche préalable auprès d'une autorité n'est requise pour pouvoir faire appliquer les dispositions de la LDA à ses clichés.

2/ Sont-elles protégées par d'autres lois?
Les lois qui touchent au domaine de l'image sont nombreuses, mais la plupart ne sont pas rédigées spécifiquement pour la protection des clichés. Les autres lois sont plutôt du domaine de la protection de la personnalité.

Ainsi, l'art 28 du code civil statue: "Celui qui subit une atteinte illicite à sa personnalité peut agir en justice pour sa protection contre toute personne qui y participe". On le voit, cette disposition donne le droit aux individus d'ester en justice pour réparer une atteinte illicite à la personnalité (atteinte à l'honneur, la vie privée ou l'image). Cette atteinte peut notamment se matérialiser par la publication de photos prises par la société et pour lesquelles l'indivu qui y apparaît se sentirait lesé.

Cependant, la société peut invoquer deux lignes de défense en pareille situation:

  1. L'art. 28 al. 2 du code civil précise que "une atteinte est illicite à moins qu'elle ne soit justifiée par le consentement de la victime (...)". On pourra alors invoquer ces termes pour faire valoir la démarche volontariste du plaignant au moment de la prise de vue.
  2. L'art. 27 al. 3 du code pénal précise que l'auteur d'une photo publiée par un média ne peut être puni pour une publication ayant eu lieu à son insu ou contre sa volonté. Dans un tel cas, c'est alors le rédacteur ou le responsable de cette publication qui assumera la responsabilité de l'atteinte

3/ A qui appartiennent les droits sur les photographies au sens de la LDA; l'entreprise, le photographe, le client de l'entreprise, les personnes photographiées?

Le chapitre 2 de la LDA est consacré à "l'auteur", et stipule les conditions requises pour une telle qualification au sens juridique. L'art. 6 le définit ainsi: "Par auteur, on entend la personne physique qui a créé l'oeuvre". Précisons toutefois que, au sens de l'art. 7, si les clichés sont le fruit de la création de plusieurs personnes, "le droit d'auteur leur appartient en commun".

Dans notre cas, les droits sur les photographies appartiennent-ils au photographe ou à la société?

Les termes utilisés permettent d'en conclure que la loi attribue par défaut le droit d'auteur non pas à la société mais bel et bien au photographe, la personne physique, qui a produit le cliché. Cependant, comme le stipule l'art. 16, "les droits d'auteur sont cessibles". L'entreprise devrait donc stipuler, dans les contrats la liant avec ses photographes, que les prises de vues de ces derniers sont remises, libres de droit, à l'entreprise qui les emploie.

Le client a-t-il aussi des droits sur les images produites lors de son événement?

Rappelons néanmoins que le client qui mandate la société de photographie peut aussi posséder des droits sur les clichés. En effet, les droits attachés à une photographie se scindent en deux:

  1. le droit d'auteur, la propriété intellectuelle, dont il est question au paragraphe précédent.
  2. la propriété des clichés, le droit patrimonial.

Ainsi qu'il est stipulé à l'art. 16 al.3 "le transfert de la propriété d'une oeuvre, qu'il s'agisse de l'original ou d'une copie, n'implique pas celui des droits d'auteur". Ainsi on voit clairement une distinction entre les deux droits mentionnés plus haut: l'un peut être cédé (droit patrimonial) sans que l'autre ne soit altéré en aucune façon (droit d'auteur). Suivant cette logique, l'art. 10 stipule ensuite que "l'auteur a le droit exclusif de décider si, quand et de quelle manière son oeuvre sera utilisée". Le seul usage auquel peut prétendre l'entreprise mandatrice sont ceux définis à l'art. 19, qui précise que "l'usage privé d'une oeuvre divulguée est autorisé", "au sein des entreprises (...) et organismes analogues, à des fins d'information interne ou de documentation".

Il convient donc, tant pour l'entreprise photographique que pour le mandataire, de stipuler dans son contrat de prestation à qui appartient la propriété des clichés pris lors du mandat réalisé pour le client et si leur publication est autorisée ou non, et à quelles conditions. Sauf disposition contractuelle spécifique, on considérera donc l'entreprise comme propriétaire exclusif de ses oeuvres.

Les personnes photographiées peuvent-elles revendiquer la propriété des images sur lesquelles elles apparaissent?

Dans la LDA, il n'est à aucun moment fait mention de la qualité de sujet ou de modèle d'une oeuvre. Les personnes photographiées, si ces dernières l'ont été dans un lieu public, avec leur accord et sans tromperie, sont donc réputées consentantes à la prise de vue et aux utilisations subséquentes de ces dernières. Elle ne sont nullement propriétaires des clichés qui les représentent.

4/ Les personnes photographiée ont-elles leur mot à dire lors de la prise et de la publication des photographies?

Pour répondre à cette question, c'est dans le code civil suisse qu'il convient de trouver les dispositions relevantes. En effet c'est le domaine de la protection de la personnalité, plus particulièrement du droit à l'image, qui régit ceci.

Lors de la prise de la photographie, la personne photographiée peut s'opposer à ce qu'une telle action prenne place. Il peut en effet invoquer son droit à l'image et refuser la prise de vue. Ce faisant, il rendrait le photographe indélicat coupable d'une "atteinte illicite à sa personnalité" (art. 28 CC), et pourrait alors ester en justice contre ce dernier.
Cependant, si le sujet acquiesce d'être pris en photo, il y a alors un effet libératoire sur le photographe qui ne peut plus être accusé d'atteinte illicite.

Lors de la publication, là encore, c'est le code civil qui va s'appliquer. La personne photographiée bien que réputée accepter les utilisations possibles a posteriori de son cliché, peut saisir le juge si il considère être la victime d'une atteinte illicite. Pour cela, il pourra se fonder sur l'art. 28 CC et demander à ce que les dispositions de l'article 28a CC soient appliquées. Toutefois, il faut que les mesures demandées restent raisonnables et à la mesure de l'atteinte subie, ainsi que le stipule l'art. 28C al. 3 du code civil.

5/ L'entreprise ou le photographe peuvent-ils s'opposer à l'exploitation des photographies par le client, au regard de la LDA?

La loi sur le droit d'auteur existe justement pour stipuler l'étendue des droits dévolus à l'auteur d'un oeuvre eu égard à celle-ci.

L'art. 9 stipule que l'auteur "a le droit exclusif de décider si, quand, de quelle manière et sous quel nom son oeuvre sera divulguée". On voit donc bien ici que, au sens de la loi, c'est bel et bien l'auteur qui va être maître indiscutable des utilisations faites de son oeuvre. L'entreprise ou le photographe pourront donc s'opposer à certaines formes d'exploitation des clichés si ils souhaitent procéder ainsi.

Cependant, il convient de rappeler que si un contrat de prestation à été passé entre le mandataire et le mandant, ce seront les dispositions contractuelles agrées par le client et la société à cet égard qui feront foi. Ainsi, les photographies pourront être exploitées par le client si cela est stipulé, comme il serait de son intérêt de le faire.


6/ La LDA donne-t-elle un droit à l'entreprise ou au photographe de percevoir une rémunération en cas d'exploitation par le client des photographies? Sinon, l'entreprise a-t-elle un autre moyen d'arriver à ce résultat?

La LDA stipule en son article 20 relatif à la "rémunération pour l'usage privé" que "la personne qui (...) reproduit des oeuvres de quelque manière que ce soit pour elle-même ou pour le compte d'un tiers (...) est tenue de verser une rémunération à l'auteur". Ceci vise à clarifier le fait que quiconque va reproduire des oeuvres, même pour un usage privé, doit rémunération à l'auteur pour ce faire. Le client qui souhaite donc utiliser des photos dans un journal interne ou autre moyen analogue devra donc s'acquitter d'une redevance à l'auteur à titre de défraiement. C'est l'un des arguments que peut utiliser la société ayant effectué les prises de vue pour obtenir une rémunération sur la base de ses photos.

L'autre moyen à sa disposition, sans doute le plus aisé et probablement le moins administratif de tous, reste de préciser les termes financiers relatifs à l'exploitation des photographies. Il faut alors distinguer clairement la prestation à proprement parler de l'exploitation des prises de vues. Ainsi, l'entreprise de photographie peut être rémunérée tant pour la prestation que pour la publication de ses photos dans la presse ou leur utilisation éventuelle pour des publicités du client.

Reste encore à trouver le juste milieu entre le formalisme et le laxisme pour obtenir une rémunération adéquate de l'entreprise ... mais tout ceci dépendra finalement toujours du client lui-même.

Conclusion:

La LDA permet de définir des notions aussi importantes que celle d'auteur ou d'oeuvre, mais reste très vague pour tout ce qui est des détails pratiques relatifs à l'utilisation commerciale de ces dernières. Cette lacune, loin d'être anodine, vise en fait à laisser une certaine liberté aux acteurs de ce domaine pour s'entendre sur les conditions relatives à l'exploitation des images, notamment à leur publication.

Encore une fois, en vertu du principe de lex speciali derogat lex generali, en l'espèce, le contrat, pur produit du droit privé, à bel et bien vocation à compléter la loi sur les droits d'auteurs. Il convient donc de bien préparer ce dernier pour que tous les acteurs impliqués dans le processus artistique et/ou commercial soient justement rétribués de leurs efforts et de leur créativité.

Sources:

-Droit des médias, recueil de textes légaux, M. Bianchi della Porta, Université de Genève, 2006.

-http://www.ige.ch/F/urg/u1.shtm

-http://www.urheberrecht.ch/F/heute/duh11.php?m=5&s=2

0 Comments:

Post a Comment

<< Home