Article journal Comet Unige: Darfour, une urgence banalisée
Le Darfour: Une urgence banalisée
Un récapitulatif de la situation au Darfour avec un rappel de la situation politique et militaire, le point sur les causes du conflit et les mesures adoptées par la communauté internationale.
Enfin, VOTRE possibilité de faire bouger les choses.
La région du Darfour: Qui, quoi, combien ?
Le Soudan est un pays de contrastes, une mosaïque de tribus et de religions, de ressources minières bordées de pauvreté extrême. Ces disparités ont occasionné, jusqu'il y a peu, deux conflits distincts.
Le premier divisait le pays en deux, entre nord et sud, depuis les origines de son indépendance en 1956. Au sud les forces de l'Alliance Nationale Démocratique s'étaient accrues depuis l'accession au pouvoir en 1989 du gouvernement islamiste en place à Karthoum. Cependant, un traité de paix a vu le jour en janvier 2005, patronné par le conseil de sécurité de l'ONU et ce conflit a donc, théoriquement, pris fin.
Le second conflit est celui du Darfour. Il s'agit d'une région située à l'ouest du Soudan, adjacente à la Libye, au Tchad et à la République Centrafricaine. La population du Darfour, 4 millions de personnes, est majoritairement composée de l'ethnie Fur, laquelle est d'origine noire africaine et en opposition avec le gouvernement central de Khartoum. 60% de la population subsiste grâce à l'entretien de petits champs de subsistance que les conditions climatiques rendent désertiques et que les conditions politiques les conduisent à abandonner. Le Darfour est aujourd'hui livré à lui-même dans les pires conditions possibles.
Les protagonistes de ce conflit sont nombreux et chaque groupe se divise encore en factions, plus ou moins disciplinées, plus ou moins faciles à contrôler. Au Darfour, il existait depuis plusieurs années déjà un mouvement nommé "Front de Libération du Darfour", lequel s'est récemment rebaptisé "Armée/Mouvement de Libération du Soudan" (A/MLS). Ce mouvement lutte contre les forces à la solde de Khartoum: son armée régulière dans la région ainsi que les Janjaweed, des milices islamistes dont le nom signifie "sur un cheval avec une arme".
Le pourquoi et le comment de la guerre civile au Darfour
On considère généralement que la crise actuelle date d'il y a deux ans tout juste. Les 24-25 avril 2003, des forces du MLS attaquaient des bases militaires du gouvernement soudanais. Ces attaques poussèrent Khartoum à mettre sur pied ses milices, les Janjaweed, mettant ainsi à nu toute la tension accumulée et déclenchant l'infernal cycle de violences.
On peut distinguer plusieurs causes à ce conflit. Premièrement, le sous-développement des régions hors de la zone du Nil, principalement le sud et l'ouest, est à l'origine de vives tensions et trouve racine dans le passé colonial du Soudan. Ensuite, l'opposition religieuse entre le gouvernement islamiste de Khartoum et les groupes ethniques non-arabes du Darfour a entraîné de facto une forte discrimination socio-économique de la part du gouvernement et n'a pas tardé à créer un rancune au sein de la population. Ce ressentiment se traduira vite par des actions belliqueuses visant à revendiquer l'autonomie. En outre, récemment, la crainte inspirée par les Janjaweed a poussé les populations locales à se former en groupes d'autodéfense. Or, de là à la création d'unités combattantes, il n'y a qu'un pas. Enfin, les ressources du sous-sol soudanais aiguisent les envies de toutes les parties en conflit. Sur le plan national, tous souhaitent sécuriser ces zones afin de s'enrichir grâce aux ventes de licences d'exploitation. Sur le plan international, de nombreux investisseurs attendent une stabilisation pour faire main-basse sur les réserves, dans un effort de trouver des alternatives aux gisements moyen-orientaux.
Toutes ces raisons ont contribué à la cristallisation des positions et à la mutation du MLS. D'abord politique, il a vite passé à la lutte armée. Les revendications sont, elles, moins claires: au début du conflit, il revendiquait l'indépendance pure et simple, alors qu'actuellement elles portent sur un plus grand respect des différences ethniques et religieuses, ainsi qu'une autonomie administrative.
Les opérations "militaires" sont des plus monstrueuses. Aux bombardements de villages, accusés de soutenir les "rebelles du MLS", succèdent des attaques contre les forces pro-gouvernementales. En guise de représailles, le gouvernement envoie ses milices, les Janjaweed, pour chasser les villageois de leurs terres. Des villages entiers sont détruits, brûlés, les champs sont saccagés, les hommes arbitrairement exécutés et les femmes violées… On érige la monstruosité en doctrine de combat. Ce tableau génocidaire est véridique et se peint en ce moment-même.
Cette horrible situation est pire encore pour les survivants. L'aide humanitaire ne peut être que difficilement apportée en raison des restrictions imposées par Karthoum aux ONGs et de l'insécurité qui règne dans la région. Les témoignages sont rares, et pour cause: les journalistes sont aussi interdits d'accès et se trouvent dans l'impossibilité de révéler au monde l'ampleur de la catastrophe.
La plupart des camps de réfugiés se trouvent dans les pays limitrophes et les déplacés doivent s'y rendre à pied, avec tous les risques que cela implique. Dans les camps mis en place, ce sont près de 2 millions (!) de personnes qui s'entassent. Les conditions sanitaires y sont déplorables et l'on y craint toujours le pire. De plus, il n'est pas rare que le conflit déborde dans ces camps, où des réfugiés sont liquidés par des hommes armés.
Un rapport de l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) considère qu'au moins 70'000 personnes ont trouvé la mort dans ce conflit. Mais au vu des critères de décompte (seulement de mars à mi-octobre et ne comptabilisant que les personnes arrivées vivantes dans les camps et décédées en leur sein), les autres ONGs et le coordinateur de l'aide d'urgence de l'ONU, Jan Egeland, estiment qu'on peut considérer un bilan total d’environ 300'000 morts (soit l'équivalent de la population genevoise!).
Les pays voisins et la communauté internationale face à ce drame
Le Tchad, pays limitrophe dont le président, Idriss Deby, est issu des Fur, a, alors que l'on s'attendait à un soutien aux rebelles, proposé sa médiation. Cette dernière a abouti a des accords de cessez-le-feu entre les parties en conflit qui n'ont jamais été respectés. Plus grave encore, depuis peu, les relations se sont tendues entre les deux pays puisque le Soudan est accusé d'avoir formé une milice de 3'000 soldats, destinée à déstabiliser le Tchad. De son côté le Tchad semble soutenir de très près une faction du MLS, appelée Mouvement pour la Justice et l'Egalité (EJM).
L'Egypte, qui avait rompu ses relations diplomatiques avec le Soudan en 1995 après l'avoir accusé de fomenter une tentative d'assassinat contre Moubarak, s'est considérablement rapprochée de Khartoum depuis la reprise des contacts en 2000. Aujourd'hui, l'Egypte soutient le régime central, arguant qu'il faut lui "laisser le temps de résoudre la crise". Un sommet sur la situation prévu au mois d'avril au Caire, regroupant la Libye, le Tchad, le Nigéria, le Gabon et le Soudan a été reporté en raison d' "incompatibilités des disponibilités". En octobre 2004 ces mêmes pays avaient proclamé qu'ils s'opposeraient à toute résolution occidentale visant à sanctionner le Soudan pour ses problèmes internes.
Les Etats-Unis exercent une certaine forme de pression sur le gouvernement soudanais, manifestée notamment lors du départ du représentant US de la commission des droits de l'homme lors de la réélection du Soudan comme membre de cette commission. Ensuite, par un voyage de Colin Powell en juin 2004, dans le but d'obtenir un désarmement des milices. Enfin, en déclarant, par une résolution solennelle du Congrès, que les violences au Darfour constituent un Génocide.
L'Union Africaine (UA) a, pour sa part, envoyé plusieurs observateurs au Darfour. Il y a un an, elle déclarait considérer la possibilité de remplacer ceux-ci par des soldats chargés du maintien de la paix, lesquels auraient la capacité de "désarmer" les combattants de leur zone. Aujourd'hui, l'UA entretient sur le territoire du Soudan 1'900 soldats.
Kofi Annan s'est lui-même rendu au Soudan et au Tchad en juin 2004. Le jour suivant son départ, et malgré les belles promesses obtenues, le gouvernement bombardait trois villages. La communauté internationale (CI), dès après les récents développements en faveur de la Paix avec le sud, s'est mobilisée pour la reconstruction. Une réunion a eu lieu en Norvège, au cours de laquelle un plan de reconstruction de l'ensemble du territoire soudanais, pour un total de 7,9 milliards de dollars, a été présenté. Sur cette somme, 2,6 milliards doivent être fournis par la CI. Le reste sera, espère-t-on, fourni par la manne des revenus du pétrole. Mais cette volonté de paix avec le sud masque l'autre conflit: le Darfour. A l'heure actuelle, les sanctions internationales sont encore en vigueur à l'encontre du régime de Khartoum, même si celui-ci proteste en soulignant que ces restrictions coûtent au moins autant que l'aide internationale promise. Enfin. la Cour Pénale Internationale de La Haye s'est vue remettre un dossier, préparé par une commission spéciale de l'ONU, sur les personnalités soudanaises accusées de Génocide.
La division du Conseil de Sécurité, qui a jusqu'alors empêché toute action concrète pour stopper le conflit, trouve sa source dans les intérêts de certains pays pour les ressources pétrolières et l'export (fructueux) des armes vers ce pays. Ainsi, la Chine, la Russie ainsi que l'Algérie s'opposent à une quelconque résolution mettant en péril leurs intérêts. Il faut dire que Chine et Russie sont les principaux fournisseurs d'armes et de matériel aéronautique pour l'armée soudanaise. La France, elle, se pose en médiatrice, et tente de sauvegarder ses acquis de longue date, notamment ceux du groupe Total-Fina-Elf. Récemment cependant, avec l'accord de paix entre le nord et le sud, l'ONU a accepté la résolution 1590, en accord avec l'Union Africaine, pour l'envoi d'une force de 10'000 soldats afin de "veiller au respect du cessez-le-feu sur l'ensemble du territoire".
Que doit-on penser de cette crise qui nous apparaît si lointaine? Qu'elle n'est qu'une aberration de plus? Un nouveau Rwanda? Une folie meurtrière conduite par les pires instincts de l'Homme? Ce n'est pas assez! Cette monstruosité doit cesser et chacun doit y faire quelque chose.
Ecrivez à:
Son Excellence Mr. Mohamed Elhassan Ahmed Elhaj, Ambassadeur du Soudan
Avenue Blanc 47
1202 Genève
Par fax: 022 731 26 56
Par Email: mission.sudan@bluewin.ch
En demandant le respect inconditionnel et intégral de:
- l'Accord de cessez-le-feu de N'Djamena du 8 avril 2004
- l'ensemble des "Protocoles relatifs à la situation humanitaire et à la sécurité" d'Abuja du 9 novembre 1994
Et en outre de:
- Faciliter les tâches de la Mission de l'Union Africaine pour le Soudan (MUAS)
- Laisser une plus grande liberté aux ONGs présentes tout en leur apportant une sécurité suffisante dans le cadre de leurs missions d'aide aux populations civiles.
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