Monday, December 12, 2005

Nucléaire: Bilan d'une Terreur

Nucléaire : Bilan d’une Terreur


Le débat sur le nucléaire préoccupe les hommes depuis 1945 et les avis sont très divergents: Simple gadget inutile pour les uns, arme d'apocalypse pour les autres. Jet d'Encres vous propose une brève mise en exergue de la question du nucléaire à usage militaire.


Intro :

Sait-on vraiment de quoi l’on parle lorsqu’il est question de menace nucléaire ?

La puissance d’une bombe de ce type se mesure en milliers de tonnes (Megaton) de TNT. Sous sa forme conventionnelle il s’agit d’un objet de la taille d’une petite voiture, mais au pouvoir destructeur inimaginable et sans cesse amélioré. Les armes nucléaires contemporaines sont jusqu’à 5'000 fois plus puissantes que la moyenne de celles utilisées contre le Japon. Même les plus «petites», à peine 1Mt, ont la capacité de détruire tout building et d’annihiler 98% des espèces vivantes sur 3 km.

L’éloignement préserve des dégâts immédiats, cependant les poussières radioactives et les radiations continuent de semer la mort pour encore bien des années. Cancers, cataractes et malformations génétiques sont le lot des survivants et de leurs descendants.

Comme l'Histoire peut le démontrer, à Hiroshima et à Nagasaki ce sont chaque fois près de 70'000 personnes qui ont succombé immédiatement alors que 70'000 autres devaient périr des effets dans les jours et les mois à venir. Aujourd’hui encore, nombreux sont les survivants qui oscillent entre la Vie et la mort au rythme de leurs tumeurs.


Nucléaire militaire :

On doit les travaux initiaux sur le sujet à l'Allemagne nazie. Bienheureusement la capitulation interviendra avant qu'un modèle fiable ne soit mis au point. Comprenant le potentiel stratégique immense d’une telle arme d’apocalypse, les Etats-Unis et l’Union Soviétique se sont alors lancés dans une course aux armements, accroissant au-delà du raisonnable la puissance et la portée de ces engins. Pour rester parmi les nations nucléaires la Grande-Bretagne (1952), la France (1960) et la Chine (1964) ont également souhaité créer une force de dissuasion. En 1968, dans un effort de prévenir toute nouvelle nation de se munir de l’arme atomique, le Traité de Non-Prolifération des armes nucléaires (TNP) est proposé. Selon les termes de ce traité les 5 puissances mentionnées ci-dessus sont les seules autorisées à posséder un arsenal militaire.

Certains pays, pourtant, décident de ne pas le signer dans le but évident de ne pas avoir à se soumettre aux contrôles et aux limitations attenantes au TNP. Rapidement, c’est au tour d’Israël (avec l’aide franco-US), puis de l’Inde (1974) de rejoindre le «club nucléaire».

Dans le domaine de la physique, toute action entraîne une réaction : il en est de même dans le domaine de la défense. Ainsi, constatant la dotation nucléaire de leurs voisins, c’est au tour de l’Irak de tenter l’aventure (stoppée par le bombardement du réacteur d’Osirak par Israël), de l’Afrique du Sud, de Taïwan, de la Syrie, de l’Egypte ou encore du Pakistan… Certains s’arrêtent d’eux-mêmes alors que les autres continuent leur quête.

En Asie du Sud, le suspens atomique atteint son paroxysme en 1998, après l’accession au pouvoir du parti nationaliste BJP. A ce moment, l’Inde décide de reprendre ses tests provoquant alors une "riposte"du Pakistan, qui fait exploser sa première bombe nucléaire. Les tensions deviennent vives entre les deux pays: cristallisés sur le problème du Cachemire on assiste à la surenchère nucléaire et conventionnelle, causant l’inquiétude de la communauté internationale.

Il est intéressant de se rappeler, périodiquement, les paroles (prophétiques ?) du Général Zia, chef de l’Etat pakistanais entre 1977 et 1988 : «It is our right to obtain the technology. And when we acquire this technology, the Islamic world will possess it with us». Que doit-on penser alors en 2004 lorsque le Dr. Khan, père de la bombe pakistanaise et héros national, confesse avoir divulgué des informations et des diagrammes de réalisation à la Lybie, l’Iran et la Corée du Nord ?


Nucléaire «civil» :

S’ajoutent à ces menaces gouvernementales les menaces de «particuliers». En effet, dès la chute de l’Union Soviétique, une quantité considérable de matériel fissile s’est retrouvée dans la nature. Certains stocks ont ainsi été déplacés, vendus, détruits ou sont simplement partis sans laisser d’adresse. La Turquie, l’Allemagne réunifiée ainsi que la Suisse sont alors devenues des plaques tournantes du trafic atomique (et de ses nombreux «accessoires»).

Le Général A. Lebed1 déclarait en 1997, au sujet de “suitcase-bombs” conçues par l’URSS : "More than a hundred weapons out of the supposed number of 250 are not under the control of the armed forces of Russia. I don't know their location. I don't know whether they have been destroyed or whether they are stored or whether they've been sold or stolen, I don't know". Cependant il convient de noter que la puissance de ces engins n’est en rien comparable avec celle d’une bombe «traditionnelle», que ses composants devraient avoir été passablement affectés par le temps et que l’effet résultant serait essentiellement une terreur psychologique. Mais quelle terreur…


L’avenir du nucléaire terroriste réside dans les “bombes sales” : un explosif conventionnel couplé à du matériel fissile et destiné à le répandre aux alentours. Ceci, dans le but d'induire une pollution nucléaire dans les grands centres urbains, et ainsi d'amener à une réflexion forcée sur le mode de vie de nos sociétés.


Et pour l’avenir, vous prendrez bien un peu d’optimisme :

On peut donc le constater sans peine : la non-prolifération dans ce domaine est un pari extrêmement incertain. Selon les dires de Mohamed El Baradei2, directeur de l’Agence Internationale à l’Energie Atomique (AIEA) : «Sans le TNP, je pense que 30 à 40 pays posséderaient aujourd’hui l’arme nucléaire.» … et de citer la Suisse comme potentiel challenger de l'ordre établi. Ce n'est pas tant les envies bellicistes qui comptent dans cette vision pragmatique, mais la seule constatation que le nucléaire civil est une porte d’entrée vers de possibles applications militaires.


Dans ces conditions, qu'entrevoit-on pour l’avenir du monde?

Si l'on est négatif, et que l'on voit les choses sous un angle réaliste, c'est un jeu dangereux qui pourrait bien nous mener tout droit à un apocalypse nucléaire. Même localisé, cela reste inacceptable.

Si l'on considère l'option de l'abandon, cela revient à reléguer au placard (et à la décharge) les technologies qui ont permis à nos sociétés de devenir ce qu’elles sont aujourd’hui: puissance industrielle, société de consommation et catastrophes nucléaires y compris (Hiroshima, Nagasaki ou Tchernobyl).


Sans céder le pas à l'alarmisme, il est crucial également de considérer les implications temporelles du nucléaire. Bien que les déchets radioactifs varient de par la nature des rayonnements émis et leur intensité, tous resteront nocifs pendant au moins plusieurs dizaines d'années (et jusqu'à plusieurs millions). Les effets qu'ils induisent dans le patrimoine génétique des populations exposées sont encore incertains à long terme, mais ils ne présagent pas du meilleur.

Alors que certains états déploient des trésors d'ingéniosité pour déchaîner à nouveau la puissance de l'atome –à coups de bombes à neutrons ou de munitions à l'uranium appauvri-, il convient de se poser une unique question: quelle monde veut-on et pourra-t-on céder à nos enfants?

"The release of atomic energy has not created a new problem. It has merely
made more urgent the necessity of solving an existing one." –Albert Einstein


1 Ancien Porte-parole du Conseil de Sécurité de la Fédération de Russie, A. Lebed est décédé dans un accident d'hélicoptère en 2002.

2 http://www.iaea.org/Publications/Magazines/Bulletin/Bull462/French/article2_fr.pdf